05 janvier 2013

Pour ceux que ça intéressent, je fais un petit point sur notre activité de recherche à Troll.

Il y a un an, ma chef et un autre collègue ont passé 3 mois à Troll pour installer le radar VHF dénommé MARA (Moveable Atmospheric Radar for Antarctica):
Sur la photo ci-desssus:
   - le bâtiment rouge est la station Troll
   - le bâtiment blanc à droite est le garage
   - les boules à gauche sont les antennes de réception satellite.
   - le conteneur bleu vers le centre de l'image est relié à la station et contient toute l'électronique de MARA bien au chaud
   - à droite du conteneur bleu se trouve le champs d'antennes principal de MARA (48 antennes dipôles) marchant alternativement en mode émission et réception.
  - au premier plan le champ d'antennes secondaire de MARA (12 antennes yagis) marchant uniquement en mode réception, pour mesurer le signal lorsque le champs d'antennes principal n'est pas encore passé en mode réception. 

 MARA a marché en continu depuis janvier 2012, et a en particulier fait des super mesures pendant l'hiver polaire de l'hémisphère sud.

MARA est un radar VHF, avec plus précisément une fréquence de 54.5 MHz et une longueur d'onde de 5.5 m. D'après la théorie, les structures dans l'atmosphère (fluctuations de température, humidité, densité électronique dans l'ionosphère...) d'échelle supérieure à cette longueur d'onde de 5.5 m réfléchissent partiellement le signal émis par le radar, ce qui est ensuite mesuré par le radar.

L'intensité du signal réfléchi permet d'évaluer l'état de stratification de l'atmosphère. Plus l'atmosphère est stratifiée, plus c'est stable, et plus le signal réfléchi est fort. Au contraire une atmosphère peu stratifiée est favorable à la formation de turbulence atmosphérique, et très peu de signal est réfléchi dans ce cas. Pourquoi c'est comme ca ? j'en sais rien, mais c'est un fait.
 
Ensuite, par technique Doppler et aussi interférométrique (le champ d'antennes est séparé en sous-groupes d'antennes pour avoir des mesures simultanées en divers endroits du champs d'antennes et ainsi faire de l'interférométrie sur les distances), on peut déduire les vitesses verticales et horizontales des structures réfléchissantes, et ainsi estimer les 3 composantes du vent, et la turbulence, à condition bien sûr que les structures réfléchissantes soient bien des fluctuations atmosphériques, pas des oiseaux par exemple...

Autre vue du champs d'antennes principal de MARA et son conteneur: 

 Les graphiques des mesures de MARA sont disponibles en direct à cette adresse (grâce à une connexion internet excellente à Troll)
Il y a 3 styles de graphiques:
    - les graphiques de 0 à 5 km d'altitude, pour observer la couche limite atmosphérique (d'où l'ajout d'une antenne secondaire pour récupérer le signal réfléchi par les plus basses couches)
   - les graphiques de 0 à 15 km d'altitude, pour observer l'interface stratosphère - troposphère. En particulier les ondes orographiques (l'atmosphère se met à osciller quand le vent souffle sur la montagne) se propagent éventuellement à ces hauteurs et chamboulent la stratification atmosphérique, créant ainsi des zones de turbulence et modifiant les vent à ces hautes altitudes.
   - les graphiques de 60 à 100 km d'altitude pour observer ces fameux échos polaires mésosphériques d'été, qu'on retrouve aussi dans l'hémisphère nord.



Concrètement, le travail a consisté à :
     - déplacer le champs d'antennes secondaire pour diminuer les interférences avec le champs principal et ainsi améliorer la qualité du signal reçu. Ça a été plus ou moins un succès.
    - lancer des radio et ozone sondes quand la situation météorologique est intéressante.
 En effet un des axes de recherche de notre groupe est de montrer que des concentrations anormales d'ozone en basse couche seraient d'origine stratosphérique, en relation avec ce qu'on appelle des repliements de tropopause (interface troposphère-stratosphère) lors du passage de systèmes frontaux, où encore du à des ondes orographiques. Cela tendrait à montrer que les concentrations anormales en surface de certaines espèces chimiques évaluées dans les carottages en Antarctique auraient en fait des causes naturelles. Le mesures de MARA corrélées avec des mesures d'ozone permettraient d'aborder ce genre de problématique.

Mon activité de recherche dans tout ça est de reproduire de manière le plus réaliste possible ces observations radar avec un modèle de prévision météo, et ensuite d'utiliser le modèle pour comprendre l'impact du phénomène simulé (genre l'onde orographique) sur la circulation atmosphérique (genre création de turbulence, ralentissement des vents, en particulier dans la stratosphère)


Une activité subsidiaire à Troll est aussi de photographier et filmer les oiseaux qui passent au dessus du radar, vu qu'ils s'avèrent être la cause de forts échos dans le signal reçu, perturbant ainsi les mesures du signal atmosphérique beaucoup plus faible. Il y a en effet plein d'autres sources d'interférence (le champs d'antennes lui-même, et toutes les antennes de réception satellite aux alentours), d'où l'intérêt d'avoir un maximum de photos et de films pour arriver à discriminer le signal réfléchi par les oiseaux dans les données. L'intérêt premier est de mieux comprendre la physique de l'écho radar. Dans un second temps, lorsque tout ça sera bien compris et qu'on sera capable de compter les oiseaux passant au dessus du radar, le ornithologues qui travaillent sur les colonies d'oiseaux dans le coin seront certainement intéressés par ce type d'info.



Sinon il nous reste encore une ozone sonde à lancer (nous attendons désespérément une tempête pour avoir un truc intéressant à observer!) et il faudrait aussi faire plus de films d'oiseaux, ces derniers étant en ce moment en train de couver leurs œufs donc on ne les voit pas trop!

Et l'avion pour Cap Town est prévu vendredi prochain.
Voilà!


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